Portraits

Laith

Je m’appelle Laïth. Je suis né en Algérie à Khenchela il y a 21 ans.

A ma naissance, mes parents m’ont abandonné. Le juge pénal m’a alors confié à mes grands-parents. » Le décor est planté. Enfant paisible jusqu’à ses 13 ans où on me diagnostique un cancer du système urinaire. Première opération faite, des complications arrivent. J’ai une sonde pendant un mois et souffre mais me remet peu à peu. Ma maladie le conduit à vouloir tenter le grand saut vers l’Europe. Il me fallait une auto-risation paternelle pour pouvoir avoir la possibilité de partir en France ou en Allemagne, Cette situation était assez ubuesque pour moi car je n’avais pas de lien paternel. Je décide alors de tenter ma chance par la mer de façon illégale. Direction Malaga en Espagne à bord d’un zodiac poussé par 400 chevaux, passeurs à l’appui. Nous étions deux bateaux à moteur. Le premier a réussi à atteindre les eaux internationales. J’étais dans le second. Je me vois encore jeter mes affaires dans l’eau afin d’alléger notre embarcation pour aller plus vite mais hélas nous sommes arrêtés par la garde algérienne. 

Mon grand-père est venu me chercher. Il paie alors une certaine somme pour me sortir. Je me suis fait démonter la gueule. Je lui avais dit que j’étais parti en colonie… A ma surprise, à mon retour à la maison, mon grand-père prend en compte mon désir et fait des démarches pour m’envoyer au Canada où la famille a des proches. La demande est refusée. Il réussit à communiquer avec ma maman afin d’essayer de trouver une solution et un visa pour la France où ma mère

réside. Contre toutes attentes, un visa français est délivré. A l’époque je suis toujours sous traitement.


Ma mère finit par accepter de m’accueillir. Elle a refait sa vie, je suis un inconnu de 15 ans et très vite je mis

à la porte. J’étais déjà content d’être en Europe. Me voilà face à moi-même à Vitry-sur-Seine. Je parlais Arabe

et non français. J’ai pris le bus pour Paris, je suis monté dans un tramway, le T3, je me rappelle ensuite avoir

admiré la fameuse bibliothèque François Mitterrand.

Plusieurs souvenirs me reviennent : j’ai faim. Mes reins me font mal. Il fait froid. Je pisse le sang. Je cherche un hôpital. J’intègre une unité pédiatrique. Un traducteur vient à mon aide. La police arrive « comment ça tu es dehors ? Quel âge as-tu ? Où sont tes parents ? » Les policiers se rendent chez ma mère. « Votre fils a fait une fugue, nous vous le ramenons. » Elle dépose plainte contre moi pour menace de mort. Une enquête est ouverte. Je me retrouve devant un juge. C’est la panique à bord. On me propose 6 mois de prise en charge via une ordonnance de placement de protection de l’enfance.


Un foyer situé à Nogent-sur-Marne me prend en charge, j’apprends le français et fréquente l’école. Ma santé va mieux, je croyais, à cette époque, être sorti d’affaire. On me replace dans un nouveau foyer, cette fois à Paris. Je me fais harceler par le directeur de ce dernier. Je finis par lui envoyer une chaise dans son visage. Je décroche scolairement. Je me retrouve à nouveau devant une juge qui me met dehors, j’avais 17 ans et je ne comprenais pas cette décision. Sans logement, j’erre dans les rues parisiennes. Je vole pour manger, je me construis une cabane dans le parc de la porte de Bagnolet de façon à avoir un « chez moi ». Retrouvé dans une situation catastrophique par les autorités, le parquet décide de ne pas me laisser dehors. J’arrive dans un foyer correct. Je rencontre une journaliste. Elle m’aide et je deviens animateur d’une émission sur Moi FM. Je pratique alors les arts martiaux. J’excelle et remporte un championnat de Free Fight au Luxembourg, une joie. J’organise ensuite des galas de boxe. »


A mes 18 ans. On m’autorise un contrat jeune majeur. Mais à 19 ans, sans titre de séjour, je me retrouve à nouveau dans la rue. Je dors dans un squat puis je travaille dans un bar à Bruxelles. Je décide de partir en Allemagne. Je fraude les trains. Les policiers allemands me tombent dessus. Je dis que j’ai 15 ans, je ne veux pas déposer mes empreintes. Je me sauve. J’ai un ami en Scandinavie. Je souhaite rejoindre la Suède. Je fais une escale forcée à Copenhague. Il fait très, très froid. J’hallucine. Je finis par dormir dans un ascenseur. Je réussis le lendemain à reprendre un train pour Malmö. Je joue les touristes. Je fais exprès de lire des journaux danois pour passer inaperçu. Je me fais tout de même à nouveau arrêter. Je n’ai plus le choix que de retourner en France. Je me retrouve à nouveau SDF.


À Mon retour en France, Je m’engage pour défendre la cause des mineurs en difficulté qui sortent du cadre de l’aide sociale à l’enfance. Je deviens secrétaire général de Repairs 94 et retrouve un toit. On m’aide à travailler mon CV, j’explique ma situation. Pour une fois, pas la peine de masquer les trous, ce CV me permet d’être vraiment moi-même. Je rencontre des gens, je me sens en confiance, je me fais des amis. Je reçois 15 offres d’emploi. Aujourd’hui, je suis standardiste. J’ai un salaire et ça va. J’ai mes papiers qui me permettent de rester dans l’hexagone.